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« La Solution Aux Problèmes De Dégradation Des Sols ? L’agriculture De Conservation Des Sols ! » 1/3

« La solution aux problèmes de dégradation des sols ? L’agriculture de conservation des sols ! » 1/3

Cet article est le premier d’une série de trois consacrée a une longue mais partielle retranscription de l’excellente émission Le Coq Chante de Sayouba Traoré, diffusée sur RFI le 5 mars 2017, au cours de laquelle il interview successivement des leaders de l’APAD (Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable) que sont Benoît Lavier, agriculteur en Côte d’Or et président national puis Sarah Singla, agricultrice dans l’Aveyron et vice-présidente et enfin Christophe Naudin, agriculteur dans l’Essonne, président de l’APAD Sud-bassin parisien.

Un grand merci à RFI de nous avoir autorisé gracieusement à valoriser sur le blog d’Agrifind ce reportage dont le podcast est disponible également sur le site de RFI.

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Sayouba Traoré : Aujourd’hui nous allons découvrir ensemble l’agriculture de conservation avec les responsables (…) de l’association pour la promotion d’une agriculture durable, ou APAD. Nous avons donc un problème la dégradation des sols, et une réponse, l’agriculture de conservation.

C’est bien connu, en agriculture, le sol est le premier facteur de production. Problème, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ou FAO estime que 33 % des sols à l’échelle mondiale sont dégradés. Plus spécifiquement, en France, 15 000 000 de tonnes de terres arables sont perdues chaque année. 1 cm de sol met 150 ans pour se former, et 10 minutes pour disparaître. Ce n’est pas tout. La population augmente, donc autant de bouches à nourrir, alors que la dégradation des sols s’accélère partout. On estime qu’en 1960, on disposait de 0,33 hectare agricole par personne. Aujourd’hui, ce chiffre est de 0,16 hectare par personne. Voilà l’énoncé du problème. Maintenant la solution.

La solution préconisée par les acteurs que nous avons rencontrés, c’est l’agriculture de conservation des sols. Un peu d’histoire. Les agriculteurs américains ont fait face au début du XXème siècle à un phénomène de forte érosion éolienne. Les sols nus et secs étaient balayés par le vent. La couche de terre arable se réduisait d’année en année. Les agriculteurs brésiliens ont vécu une situation similaire. Après défrichement, les sols agricoles perdaient leurs matières organiques très rapidement, sous l’effet de la charrue et du climat agressif. La pluie provoquait une forte érosion hydrique, des millions de tonnes de terres étaient lessivés. L’abandon du travail en profondeur du sol est apparu comme la seule issue face à ces constats. Puis, on en est arrivé à la technique dite agriculture de conservation des sols. En France, c’est le credo de l’association pour la promotion d’une agriculture durable, une association créée en 1998 à l’initiative des agriculteurs. Benoit Lavier, agriculteur en côte d’or est le président national de cette structure.

Benoit lavier : On a en France, dans certaines régions de gros problèmes d’érosions notamment avec des pertes de sols importantes, des coulées de boue, mais il y a un peu partout en France une perte de matière organique, des sols qui du coup sont moins fertiles, se tiennent moins bien, et puis aussi une perte de biodiversité. Le sol est donc fragile il faut vraiment le préserver, le conserver.

Sayouba Traoré : Si j’ai bien compris il y a plusieurs éléments dont il faut tenir compte, il y a les propriétés mécaniques d’abord du sol ?

Benoit Lavier : La texture du sol oui effectivement, il y a une grande diversité des sols, en fonction de leurs textures, l’argile, les sables, les limons, ce qui fait que chaque sol est unique il n’y a pas de recette toute faite.

Sayouba Traoré : On a dit qu’il y a une grande biodiversité dans le sol, nous on ne le voit mais ce sont des microéléments qui sont là ?

« Une biodiversité abondante favorise la fertilité des sols »

Benoit Lavier : Alors effectivement on dit que dans une cuillère à café de sols, il y a l’équivalent de peut-être 7 milliards d’individus, (…) avec beaucoup de bactéries, de champignons, d’insectes du sol. Nous on voit beaucoup les vers de terre, et c’est important de les préserver, mais il y a toute une microfaune aussi qui est très abondante et qui a besoin d’être nourrie et protégée.

Sayouba Traoré : Et toute cette biodiversité joue dans la fertilité d’un sol ?

Benoit Lavier : Absolument, elle joue dans la fertilité des sols, et notamment dans les grands cycles géochimiques du carbone de l’azote et de l’eau, ils ont un impact très important.

Sayouba Traoré : Je vous ai écouté tout à l’heure vous avez dit que le labour, le travail du sol, c’est comme si on ajoutait les tremblements de terre, les tsunamis, les typhons en même temps ?

Benoit Lavier : Oui c’est ça, on détruit par le travail du sol l’habitat et les habitants en retournant le sol, en le mélangeant, c’est comme si on cassait votre maison régulièrement avec une pelleteuse, donc au bout d’un moment vous vous découragez si vous n’êtes pas enfouis sous les décombres.

Sayouba Traoré : Et cela joue sur les rendements agricoles ?

Benoit Lavier : Forcément, quand le sol est moins vivant, moins fertile, il y a effectivement une perte de production et c’est ce que certains agriculteurs commencent à observer dans certaines régions de France avec des gens qui se disent « je vais être obligé peut-être d’abandonner certaines productions parce que mes sols sont épuisés et plus assez vivants ».

Sayouba Traoré : Il y a la grave question de l’érosion et de lessivage des sols.

Benoit Lavier : Alors l’érosion est un facteur qui en France est parfois cantonné à certaines régions uniquement, mais en fait on en trouve un peu partout. Dans certaines régions le phénomène est très grave avec des pertes importantes de terre, qui peuvent aller jusqu’à selon certains épisodes pluvieux, jusqu’à 80 ou 100 tonnes de terre même à l’hectare et par an, et quand on perd 100 tonnes de terres à l’hectare cela entraine des conséquences désastreuses en termes de fertilité du sol.

Sayouba Traoré : Le problème pour vous agriculteur c’est que quand il y a érosion, c’est la bonne terre qui s’en va ?

Benoit Lavier : Absolument, c’est la bonne terre qui s’en va, avec les éléments fertiles, avec la matière organique, parfois avec des engrais, peut-être des produits phytosanitaires qui sont avec. L’intérêt de l’agriculteur c’est de faire en sorte que l’eau ne ruisselle pas et qu’elle s’infiltre dans le champ, et pour faire ça, il ne faut pas faire de terre fine, il ne faut pas travailler le sol, il faut le couvrir en permanence pour le protéger de l’action mécanique des goûtes de pluie.

Sayouba Traoré : Il y a aussi l’érosion par le vent, on a vu des nuages de poussières tout à l’heure.

Benoit Lavier : Quand les agriculteurs travaillent le sol il y a parfois des nuages de poussière qui peuvent être assez impressionnants oui.

Sayouba Traoré : Ce que vous préconisez, c’est que l’on arrête d’agresser le sol ?

« L’érosion peut être limitée grâce aux couverts végétaux permanents sur le sol »

Benoit Lavier : C’est tout à fait ça, arrêter d’agresser le sol le perturber le moins possible et au contraire, le nourrir et le protéger avec une couverture permanente du sol. C’est bon pour le sol et pour ceux qui l’habitent.

Sayouba Traoré : Ça veut dire que par exemple quand je récolte, je peux semer un couvert végétal après ?

Benoit Lavier : Concrètement c’est ce que je fais, moi sur ma ferme, le jour de la moisson ou le lendemain, je me dépêche de semer un couvert végétal qui est composé de plusieurs espèces que je vais implanter, notamment il y a beaucoup de légumineuses mais pas que, pour couvrir le sol, le protéger et le nourrir.

Sayouba Traoré : Protéger le sol c’est-à-dire qu’il y a divers avantages, le système racinien de ce couvert stabilise le sol et quand il pleut, au lieu que cela ruisselle, ça pénètre ?

Benoit Lavier : C’est tout à fait ça, les racines et le travail des vers de terre vont créer une porosité verticale qui va favoriser l’infiltration de l’eau quand il pleut, et du coup ça c’est tout à fait favorable à l’évacuation de l’eau et à la lutte contre l’érosion.

Sayouba Traoré : Là, il y a un problème psychologique dans votre affaire, parce qu’on nous a toujours dit qu’il fallait un champ propre, d’où le travail du sol, et si vous dites d’abandonner ça, pour franchir le seuil, c’est difficile.

« L’enjeu est de changer les mentalités, la culture agronomique par rapport au travail des sols »

Benoit Lavier : je confirme que c’est effectivement difficile, la culture agronomique est beaucoup basée sur le travail du sol, et effectivement pour avoir vu et travaillé avec mon père, un bon sol ou un bon travail c’est quand le sol est nu, et que l’on voit pousser les petites graines et uniquement elles, que l’on vient de planter. Or, il faut changer sa perspective, changer les mentalités, changer la culture. Un sol qui est vivant, qui va bien c’est un sol dans lequel il y a beaucoup de diversité. Un sol qui est couvert, et il y a un vrai changement de perspective à opérer.

(…)

Sayouba Traoré : Je vous remercie !

Benoit Lavier : Et bien je vous souhaite tout le meilleur aussi !

(…)

*** Les interviews de Sarah Singlin et Christophe Naudin font l’objet des 2 autres articles***

 

Sayouba Traoré : Nous étions en compagnie des responsables et des adhérents de l’Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable, un groupement d’agriculteurs qui œuvrent pour la diffusion et le développement de l’agriculture de conservation en France (…) Je vous rappelle que vous pouvez trouver cette émission sur le site RFI. Pour ceux qui veulent nous écrire lecoqchante @ rfi.fr. Vous pouvez également consulter notre page facebook le coq chante.

Crédit Photo : RFI / PIXABAY / UNSPLASH

Et vous, pratiquez-vous une agriculture de conservation des sols ? Quels sont vos techniques et facteurs clefs de succès pour progresser et vivre de ce modèle ? Vos témoignages sont les bienvenus dans les commentaires.

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