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« L’organisation et l’anticipation sont les deux clefs pour gérer mon exploitation à distance » Anne-Laure Durand, agricultrice en grandes cultures

Gilles Cavalli : Bonjour et bienvenue dans ce nouveau podcast d’Agrifind, je suis avec Anne-Laure Durand qui est installée sur une exploitation céréalière en Seine-et -Marne Anne-Laure, échangeons, si tu le veux bien, sur les aspects liés à l’organisation sur la ferme mais auparavant j’aimerai que tu puisses nous dire quelle est pour toi la réussite d’une agricultrice ?

Anne-Laure Durand : La réussite d’une agricultrice, je pense que c’est la même pour un agriculteur qui serait de vivre avant tout correctement de son métier, de pouvoir transmettre une exploitation viable à ses enfants, et après avoir la possibilité d’être un peu plus libre de ses choix, et de ses projets sur l’exploitation puisqu’on est quand même très bridé par l’administration ce qui est un petit peu dommage parce qu’on a un outil entre les mains qui est quand même assez incroyable. Ca serait bien de pouvoir le développer comme on le souhaite.

Gilles Cavalli : Anne-laure peux-tu s’il te plait nous présenter ton exploitation en quelques mots ?

Anne-Laure Durand : Mon exploitation est située dans le nord de la Seine-et-Marne du côté de Meaux. J’exploite 140 hectares en céréales, protéagineux et lin textile.

AL Durand gérer mon exploitation à distance

Gilles Cavalli : Donc un assolement diversifié sur des sols de quelle nature ?

Anne-Laure Durand : Alors les sols ce sont des limons profonds battants, toute ma superficie est drainée.

Gilles Cavalli : Merci pour ces précisions. Sur les aspects liés à l’organisation il y a quelques spécificités par rapport à l’exploitation céréalière : le domicile est situé à une centaine de kilomètres environ 1h30 de route. Ton passé n’est pas directement lié au monde agricole. Comment se retrouve-t-on à la tête d’une exploitation céréalière et comment est-ce qu’on s’organise pour faire face aux travaux des champs en étant à distance ?

« Organiser des partenariats avec des agriculteurs me permet de concilier travail et qualité de vie de famille »

Anne-Laure Durand : A la base j’ai fait des études agricoles, je travaillais dans un syndicat agricole. Quand mon père nous a informé qu’il partait à la retraite on s’est posé la question avec mon mari d’éventuellement reprendre l’exploitation. On a pesé le pour et le contre. En fait, soit je profitais de cette opportunité-là soit j’allais travailler plutôt sur Paris. En termes de qualité de vie de famille, je pense que le mieux c’était encore d’aller faire une centaine de kilomètres, (je ne le fais pas tous les jours) pour l’exploitation et puis ce qui me plaisait aussi énormément. J’ai donc repris mes études pour repartir dans l’agricole. J’avoue que le fait pouvoir reprendre l’exploitation de mon père c’était quand même un rêve. J’en ai eu la possibilité donc on a décidé de le faire. Au niveau de l’organisation bien-sûr cela nous a pris énormément de réflexion. On a passé quasiment deux ans à réfléchir à comment s’organiser pour que ce soit faisable puisque mon mari est également agriculteur donc forcément on se retrouve avec les mêmes périodes de travaux, il faut s’organiser par rapport à la vie de famille donc on a mis en place des partenariats avec des agriculteurs qui sont prestataires de services pour moi pour certains travaux agricoles puisque je fais aussi une partie des travaux. J’ai donc délégué tout ce qui était météo-sensible, puisque en étant à une centaine de kilomètres je ne peux pas la veille pour le lendemain être dans les champs pour traiter par exemple.

« Je délègue tout ce qui est météo sensible pour gerer mon explotation à distance »

On s’organise donc comme cela pour le moment. Ce n’est pas toujours évident parce qu’il faut anticiper l’évolution des stades des cultures pour pouvoir prévenir suffisamment en amont les prestataires de services donc cela demande pas mal d’anticipation, d’organisation. Pour le moment on y arrive, je pense qu’au fur et à mesure des années de toute manière, on sera forcément de plus en plus rodés. Je pense que la clef c’est de savoir aussi être souple, de savoir accepter de ne pas toujours intervenir au meilleur moment, puisque quand on n’est pas sur place on ne fait pas forcément les choses à la perfection. Certaine fois cela peut même être un atout d’anticiper, je pense par rapport à cette année notamment. Anticiper les apports d’azotes a été une bonne chose par rapport à la sècheresse, donc au bout du compte on peut aussi voir un côté positif à la chose, et il faut pouvoir aussi s’entourer de prestataires de service qui comprennent cette nouvelle organisation, et qui sont eux aussi réactifs par rapport à ma demande.

Gilles Cavalli : Et est-ce que dans le métier, être une femme à la tête d’une exploitation céréalière fait qu’il y a des particularités, ou finalement tu es cheffe d’exploitation comme tout un chacun, comme tous tes voisins hommes ?

« Être une femme implique des différences, qui ne sont pas limitantes quand on avance dans le métier et si l’on sait anticiper »

Anne-Laure Durand : Alors moi je me conditionne aussi peut-être en me disant « je suis une femme cela va être différent ». Il y a forcément des différences dans l’approche, déjà par rapport à mon organisation parce que c’est vrai qu’elle est peu commune et que généralement lorsque l’on est à distance on fait tout faire sur l’exploitation alors que moi je fais une partie des travaux. Donc le premier point est de faire comprendre aux gens que ce soient des agriculteurs voisins ou des intervenants des différentes OPA que je suis bien sur l’exploitation, que je fais bien du tracteur et que je sais de quoi je parle, il y a donc un petit temps d’adaptation pour tout le monde je pense. Après, au niveau du métier en lui-même il y a forcément des choses en tant que femme qui sont limitantes en terme de force physique, donc quand c’est comme ça c’est toujours la même chose, c’est savoir anticiper pour pouvoir me faire aider par mon mari, par mon voisin, pour les choses qui sont d’ordre physique, mais de manière générale, plus j’avance dans le temps plus j’avance dans le métier et en fin de compte plus je me rend compte qu’il y a énormément de choses que je peux faire par moi-même et qu’il y avait surtout une crainte à la base qui n’était pas forcément fondée. Une fois que l’on se lance on se rend compte qu’on y arrive. Et puis je fais les choses peut-être un peu moins vite qu’un homme, je fais très attention à ne pas me faire mal par rapport à des travaux qui sont vraiment physiques mais voilà je progresse gentiment et je pense que cela reste un métier qui est faisable pour une femme en s’organisant correctement.

céréales

Gilles Cavalli : Merci pour ce témoignage et ces conseils liés à l’anticipation, à l’organisation, aux soins apportés aux travaux, qui permettent de réussir à exploiter une ferme céréalière à distance. Une dernière question, j’aimerai savoir quel est ton rêve d’agricultrice ?

Anne-Laure Durand : Alors mon rêve d’agricultrice, je trouve cela un petit peu frustrant d’être uniquement sur la production et de déléguer complètement la partie commercialisation et puis de ne pas la valoriser. On est dans une période où les prix sont assez bas par rapport à tout le travail qui est fourni sur une année et c’est vrai que c’est assez frustrant. J’aimerai pouvoir développer une diversification sur une base de production végétale, et de pouvoir m’occuper de tout d’A à Z, c’est-à-dire de la production à la transformation à la commercialisation en direct avec le client. Pour moi ce serait en fait un rêve de pouvoir valoriser jusqu’au bout mon métier, ma production et d’être reconnu à travers cela.

Gilles Cavalli : Merci, effectivement, le fait d’aller au plus près de l’utilisation des denrées qui sont produites sur l’exploitation et de donner de la valeur ajoutée à son travail sont de beaux projets et de belles aspirations. Donc c’était un échange avec Anne-Laure Durand qui est en Seine-et -Marne. A très bientôt chers auditeurs pour un nouvel échange avec une agricultrice. Au revoir à tous.

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Et vous, pensez-vous que l’on peut gérer une exploitation à distance ? quelle est pour vous la clef de cet équilibre travail-famille ? Vous pouvez témoigner ci-après.

Crédit photo : Anne-Laure Durand/ Pixabay

 

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